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1878

 

 

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9 avril 1878   11 Avril 1878   26 juin 1878   21 juillet 1878   18 septembre 1878  3 décembre 1878

 

 

9 avril 1878

 

 

Jules Verne vend le Saint-Michel aux pilotes de Saint-Nazaire.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

M. Jules Verne vient de vendre son cutter, le Saint-Michel, aux frères Lucas, pilotes de Saint-Nazaire. Le Saint-Michel, qui a été construit au Havre, dans les chantiers de M. Abel Le Marchand, est un joli bateau de vingt tonneaux; il était enregistré au Y. C. de France, dont il portait le drapeau.

 

M. Jules Verne, qui se propose d'entreprendre des voyages dans tous les ports d'Europe, vient de remplacer son yacht par un autre Saint-Michel, celui-ci, bateau de cent tonneaux et à vapeur, admirablement aménagé pour la navigation que se propose de faire l'auteur du Voyage au pôle Nord.

 

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11 Avril 1878

 

Jules Verne vend le Saint-Michel aux pilotes de Saint-Nazaire.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Jules Verne vient de vendre son cutter, le Saint-Michel, aux frères Lucas, pilotes de Saint-Nazaire, et l'a remplacé par un yacht de cent tonneaux, vapeur, avec lequel il va entreprendre des voyages dans tous les ports d'Europe. Voilà qui nous promet quelques récits nouveaux

 

 

26 juin 1878

 

 

 

 

 

 

 

 

 

21 juillet 1878

 

 

 

 

 

 

 

 

18 septembre 1878

(réflexion sur la crise maritime française du baron Félix PLATEL dit IGNOTUS Journaliste au Figaro (1832-1888)

 

NOS MATELOTS 

Je leur avais promis que je parlerais d'eux

Ici où la voix éveille, comme sur certaines" montagnes, un écho plus fort qu'elle. Combien pour eux ai-je signé de vœux officiels. Combien de ministres ai-je entretenus de leurs intérêts! Tout cela est allé où vont les feuillards d'automne. Cependant un nouveau ministre, M. de Freycinet, va visiter la basse Loire -et Saint-Nazaire. Ce sera le moment de traiter la fameuse question, qui est de vie ou de mort pour tous les matelots de France. J'ai donc quitté de nouveau Paris. J'ai voulu revoir nos matelots. Cette vision enfermée dans un tableau exclusivement marin, est devenue cet article. Selon mon habitude, j'ai fui toute thèse politique et toute forme dogmatique.

J'ai pris à Nantes, sur la Fosse, le bateau à vapeur qui va à Saint-Nazaire. J'étais presque seul sur le pont. Le chemin de fer a tué le service à vapeur des fleuves–- mais ce service-là avait mangé les bateaux voiliers. C'est la loi de mort; ou c'est la loi de vie comme vous voudrez! Le moucheron est mangé par le merle que le vautour mange. Aujourd'hui, la grande Loire est morne. On dirait que les choses de la nature s'illuminent sous les regards de la foule humaine. Elles ont froid quand elles cessent d'être regardées. La Loire ne fait plus sa toilette elle ne peigne plus ses rives. Le sabre envahît, comme des taches, sa grande face ennuyée.

Voici Paimbœuf où abordaient à quai les longs-courriers des ancêtres. Aujourd'hui l'eau lui manque. Demain on ne pourra aborder Paimbœuf qu'en fiacre Notre bateau va lentement sur l'eau de plomb, comme une voiture de deuil sur le macadam. D'un ciel uniformément set cruellement bleu semble tomber la « mal'aria » De maigres nuages blancs sont formés par notre chaudière Ils restent derrière nous sur l'eau, comme des grands fils de la Vierge. L'église ardoisée de Saint-Nazaire apparaît, enfin, dans l'immobile éblouissement d'azur. Elle rompt la monotonie de ces plaines liquides semblable à la lointaine silhouette d’un chameau, sur l'horizon de sables! Le bateau lutte contre la marée montante. Son mouvement est si lent que le port semble venir vers nous, comme un hôte impatienté.

*

On sonne la cloche. Quatre matelots et trois curieux apparaissent sur la jetée. Je débarque. Je vais autour du grand bassin à flot. L'eau enfermée par les écluses n'y a pas plus de lames que dans une carafe. Des mâts nombreux forment une forêt d'hiver, qui a cela de particulier qu'aucune brise n'agite ses tiges dépouillées. Les pavillons retombent comme des linges lourds et mouillés. Les flammes des grands mâts semblent être en zinc. Rien ne remue sur cette mer morte. Partout, les couleurs étrangères ! Huit énormes longs-courriers sont désarmés. Ils sont français Presque neufs, ils étonnent comme des jeunes hommes bien portants qu'on verrait habillés en invalides. Neuf steamers colossaux dits charbonniers, qui font le trajet de Cardiff sont à l'extrémité du bassin. Trois sont français, six sont anglais, voici un magnifique voilier, plus grand qu'un vaisseau à trois ponts. C'est le plus hautain défi que je connaisse, de la voile contré la vapeur Avez-vous besoin de regarder ses couleurs au bout de sa brigantine pour savoir qu'il n'est pas français ? Il s'appelle le Muskota. On dirait -vraiment qu'une flotte anglaise a pris Saint-Nazaire!

*

Grâce ces éléments étrangers, le port est un trompe-l'œil. On y voit une forte vie interne. Presque partout des chants! Ces chants d'une mélancolie presque douloureuse que la mer apprend aux matelots de tous pays! Les calfats sont grimpés sur le flanc des navires. Ils accompagnent ces chants avec le bruit sans cadence de leurs marteaux. Ce bruit a deux notes, selon que le marteau frappe sur le bois ou sur le fer. Les treuils à vapeur geignent comme des boulangers. Des navires se présentent pour l'entrée ou pour la sortie du bassin. Le maître-hâleur les fait tirer par âme quarantaine d'hommes fixés comme des nœuds à un long grelin. A l'entrée du bassin, la voile des bateaux qui viennent, tombe comme la jupe d'une femme qui se déshabille La voile des bateaux qui sortent se gonfle comme la jupe d'une danseuse qui va entrer en scène

Au dehors de la jetée, les navires étrangers font le salut. Le pavillon à leurs couleurs descend et remonte trois fois sur la drisse. Au port de Saint-Nazaire, rien ne répond à ce salut. Pourquoi? \C'est peut-être que son pavillon est attaché ou enroulé, comme un pavillon de détresse.

*

Cependant la ville de Saint-Nazaire n'a point à se plaindre, comme son port. On construit aujourd'hui, pour elle, un autre grand bassin à flot qui aura coûté plus de vingt millions. Ce sera un des plus beaux retraits maritimes qu'il y ait dans le monde ! Saint-Nazaire vivra de l'étranger. Et puis, il est le port d'attache et de construction des paquebots transatlantiques. Les hôtels ont du monde. Voici les languissantes et brûlantes créoles qui ont passé devant nous, à Paris, comme des rêves. Elles retournent dans leur soleil. D'autres débarquent. Elles ont les joues légèrement hâlées par la mer. On dirait de ce ton des pêches qui provoque la morsure. La Ville-du-Havre part. Ses deux hélices ressemblent exactement aux deux pattes palmées que le canard, qui nage, agite sous sa queue. Le colosse a tiré le coup de canon d'adieu. Le grand omnibus s'en va, emportant plus de gens de service, garçons et maîtres d'hôtel que de matelots! Je ne me plains pas de la subvention de vingt-six millions qui est accordée à ce superbe service maritime - les Transatlantiques à Saint-Nazaire et au Havre - Valéry à Marseille Messageries maritimes à Bordeaux et à Marseille, mais je demande pour nos pauvres voiliers et vapeurs le pain et l'eau.

*

Pour sauver de la mort les matelots dû Havre, de Saint-Nazaire, de Bordeaux, de Marseille, etc. c'est-à-dire de tout le littoral français, 35 conseils généraux viennent de demander une subvention temporaire de huit millions. M. Armange, qui est le plus énergique combattant dans cette question, affirme que cette somme suffira. La marine marchande n'est-elle pas la nourrice de la marine militaire? Nourrice et nourrisson souffrent. J'étudierai bientôt la marine de l'Etat. Et si on peut me refuser là ce droit de parler avec mandat, qu'on ne peut me refuser ici j'affirme que jamais écrivain non spécial n'aura été plus à même d'écrire des choses vraies. Le projet de loi Le Cesne s'occupe de nos matelots. Ils sont légion. Ils portent sur les dernières voiles, que la vapeur n'a pas brûlées, le vieux drapeau français. C'est la navale et glorieuse guenille que tant de siècles et de tempêtes ont déchirée Nos matelots ont contre eux la concurrence des étrangers à, voile ou à vapeur. Ils sont aussi vaincus par la locomotive des chemins de fer. Elle va plus vite qu'eux, du Havre à Marseille Les constructeurs français ne construisent plus. Les armateurs n'arment plus. Le matelot reste à terre criant, jurant, s'hébétant d'ennui. Le bruit de forges de notre temps étouffe ses plaintes Aujourd'hui c’est une clameur de désolation tout au long du littoral de la France. C'est une idée point mauvaise, n'est-ce pas que de la tirer ici à quatre-vingt mille exemplaires ou échos? Connaissez-vous un endroit où on ne l'entendra pas.

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Cependant, un trois-mâts français s'est présenté pour sortir. C'est à n'y pas croire.La foule des matelots et des officiers mariniers se presse sur le quai pour voir ces privilégiés. Ce navire mené des vaches à l'île de la Réunion. Le pont est tout couvert de barriques d'eau et de foin pressé. C'est la nourriture et la boisson des passagères. Toutes les vaches sont prêtes à vêler. Parties soixante, elles arriveront cent vingt et plus. Mais le fret n'aura été payé que pour soixante L'équipage est dans la mâture. Les matelots marchent sur les filins marche-pieds. Tout à coup, ils plient en deux leur corps sur la vergue. Ils chantent en dénouant les voiles. Le rythme a une vitesse inusitée. Un mousse est à cheval sur le bout dehors du beaupré. A Paris, on le prendrait, à sa figure hâlée, pour un petit ramoneur. Il regarde fièrement une bande de mousses qui jouent à la galoche sur la jetée.

Rien de plus navrant que le regard des matelots restés à terre! Il y a toujours de l'enfant dans le marin! Il ressemble ici au collégien en retenue, qui voit partir pour la promenade ses compagnons. Promenade pleine d'un attrait sans pareil L'infini au-dessus, l'infini au-dessous Le danger est pour eux un excitant. C'est la gousse d'ail qui leur fait trouver meilleur le pain! Le matelot breton est bien la plante-homme la plus vigoureuse. Petit, trapu, leste. C'est un doux aux formidables poings Et la France la laisse se traîner, à. terre, avec le lourd balancement du pingouin qui marche sur un banc de sable lui qui avait jadis le privilège de former les équipages du vaisseau amiral

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Mais j'aurais tort de parler seulement du Breton, dans une question qui préoccupe toute la France maritime. Le Parlement va discuter, dès sa rentrée, le projet de loi présenté par M. Le Cesne (du Havre). M. Le Cesne, un très habile esprit, attendait depuis si longtemps, qu'il en est malheureusement mort d'ennui. Il demandait pour la marine marchande, construction, armement, etc., une protection temporaire qui a été accordée à presque toutes les industries françaises que le système du libre-échange à surprises. Les Anglais protègent leurs matelots. Ils ont créé les 15 millions, dits de la réserve. Dans tous les ports du globe, le matelot anglais débarqué trouve un sailor's home, où il est entretenu à un schilling par jour; Chez nous, le matelot doit, il est vrai, être rapatrié par l'armateur. Mais aussitôt qu'il est en France, le matelot est absolument abandonné à lui-même dans les rues de nos ports. Il se tirerait plus facilement d'embarras, en pleine mer, sur une barrique vide.

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Paris a vu ces matelots dans nos furieuses tempêtes de terre.. La France était alors comme une mer démontée. Ils avaient de petits chapeaux et de grands cols évasés. Ils avaient la tradition française l'esprit de discipline et le rire gouailleur. ils étaient alors dans la marine de l'Etat. Aujourd'hui les capitaines au long-cours sont encore plus malheureux que les matelots et les caprines au cabotage. On ne sait pas assez quelle somme de sacrifices représente le brevet de capitaine au long-cours. Le jeune homme est resté au collège jusqu'en quatrième. Il s'embarque comme pilotin sorte de mousse non assujetti aux détails de la domesticité. II paie une pension de 800 francs. Dans la troisième année, son travail paie son entretien. Il entre au service de l'Etat. Au sortir de la marine militaire, le candidat travaille, pendant deux ans au moins, ses matières d'examen. Chaque année lui coûte, en moyenne, 2,400 francs. Enfin,- il est nommé. S'il a de la chance, il s'embarque comme second, aux appointements de 150 francs par mois. S'il peut placer de l'argent sur un navire, il peut le commander. Mais à cette heure, cette part dans les bénéfices éventuels n'est qu’une part dans les pertes certaines elle le ruine. Mieux vaudrait pour lui n'avoir que ses appointements- 500 francs par mois! Les trois quarts des capitaines au long-cours n'ont pas de commandement. La moitié reste à terre. Cependant la valeur qui est dans le capitaine au long-cours est cosmopolite, comme la valeur d'un joueur d'échecs. Il connaît un langage universel i Comme pilote sur le Gange, il gagnerait plus qu'en. France comme capitaine, mais il préfère mourir en France. Cette quantité extraordinaire d'expérience que son brevet représente, se brise sur terre comme une bouteille de vin généreux qui tombe sur le trottoir.

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Un vaisseau cuirassé de premier rang coûte quatorze millions. Il faut au moins quatre ans pour le construire ? Une petite torpille peut faire sauter ce géant. Où est la réserve des matelots et des ouvriers constructeurs ? Voilà ce que le penseur a le droit de demander? Il doit voir de loin les orages enfermés dans l'avenir. Il est le gabier monté sur la hune.

Pendant que je cause de ces tristes choses avec les hommes du métier la nuit est venue. Je vais sur la jetée du phare. Au loin apparait un autre phare la Tour du Commerce. Sa lumière intermittente ressemble à un œil exposé aux grands vents il abaisse de temps en temps la paupière Auprès de moi est la vieille église dont la vague baigne les pieds. Son intérieur rappelle presque exactement la cale d'un vieux navire en bois. La Vierge semble un peu abandonnée. On a remarqué que plus il y a de cierges autour d'elle .plus il y a de navires dehors! La cloche sonne tristement dans le clocher ardoisé. Un matelot me dit qu'il l'a entendue à deux mille lieues; en plein Océan. Elle sonnait le glas de sa mère! Il faut aimer ces idées naïves qui sont propres aux hommes forts!

*

La pleine lune éclaire. On sait que-sur mer il y a deux lunes. La lune d'or rouge, elle annonce l'orage. La lune d'argent blanche, elle prédit le calme. Aujourd'hui c'est la lune d'argent. Un matelot dit, moitié en riant « le Bûcheron qui est dans la lune a toujours de l'ouvrage, lui! Deux grands steamers jettent l'ancre dans la rade. Leur sifflet à vapeur a des mugissements de taureau. Tout à coup son cri entrecoupé rappelle le hennissement d'un âne fantastique. Trois navires à voiles sortent de la rade. Ils ont mis dehors toute leur toile! Ils vont d'un mouvement superbe 1 Ce sont encore des anglais! Un fils des Iles Britanniques voyageait sur le continent sud de l'Afrique. Il rencontre une étendue d'eau, qui lui est inconnue. Il la goûte avec le doigt «Elle est salée, fit-il, ce doit être à nous! »

*

La tranquillité profonde des flots nous impose peu à peu le silence. Je me sens entraîne vers l'inconnu de cette nuit et de cette mer. Je voudrais être sur un de ces bateaux qui fuient à l'horizon. Je voudrais faire tourner sa proue vers le nord-ouest où est le grand balancement du large. Droite la barre. Toujours droit devant nous! A l'heure où le soleil se couche dans la mer, qui n'a vu parfois un navire–voguant dans son disque agrandi Ses voiles se profilent dans le cadre de feu! Il semble s'abîmer dans l'infini radieux! A l'âge où l'âme a des rêves qui n'a pas envie d'être à son bord!

Les jeunes marins qui m'entourent semblent être émus aussi. La mer qui lèche le rivage a des bruits de baisers comme une ancienne amante qui les rappelle!

J'ai dit ce que j'avais à dire aujourd'hui à l'opinion publique avec le ton que j'ai voulu. La grande âme de la nation est facile à 'remuer comme un bourdon de cathédrale! Dès qu'on la touche, elle rend un son immense. Espérons, pour nos matelots, en cette grande âme de la France!

 

IGNOTUS

 

Félix-Louis-Joseph Platel est né en 1832 dans la propriété

du Grand-Clavier en Saint-Philbert-de-Grand-Lieu,

sur les bords du lac.

baron Félix PLATEL dit IGNOTUS

Journaliste au Figaro (1832-1888)

 

 

 

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3 décembre 1878

 

DRAME 
deux ans d'emprisonnement pour avoir volontairement laissé ses enfants mourir de faim.

1er décembre.

Le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire, vient de condamner à deux ans d'emprisonnement la veuve Leboulicot; prévenue d’avoir, volontairement, laissé ses enfants mourir de faim. Cette misérable, qui vivait dans une cave de la rue Méans, à Saint-Nazaire, avec ses  cinq enfants en bas-âge, vendait les bons qu'elle recevait: en nature de la charité publique-et dépensait en douceurs, en liqueur, en sucrerie; en chocolat etc., le produit qu'elle en retirait. Le linge, qu'elle ne vendait pas, pourrissait dans un coin, sans qu'elle eut le courage de vêtir-ses enfants, qui étaient dévorés vivants par la vermine.

L'un d'eux a été trouvé mort sur du varech pourri, par le commissaire de police. La vermine avait rongé une partie du cuir chevelu; Son corps était couvert d'ordures et de fumier. Près de ce cadavre, sa-sœur, âgée de trois mois, couchée dans la même saleté, expirait, mangée vivante; comme son frère et  remise à des personnes charitables, elle succombait quelques jours après. Les trois autres enfants agonisaient, pour ainsi dire; dans la même ordure.

 

 

 

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