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1881

 

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15 avril 1881
l'invitation d'assister à l'inauguration du second bassin des députés de la Bretagne
 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

 

Le Président de la République

Le Président de la République a reçu delà part des députés de la Bretagne, l'invitation d'assister à l'inauguration du second bassin à flot du port de Saint-Nazaire, qui aura lieu au mois de juillet prochain.

M. Jules Grévy n'a pas encore fait savoir sa réponse.

 

 

 

19 avril 1881
Chicanerie Nantaise

Le conseil municipal de Nantes avait décidé l'envol à Paris d'une délégation du conseil municipal et de la chambre de commerce de Nantes, à propos des travaux de Saint-Nazaire.

Le Phare de la Loire raconte que les délégués se sont présentés mercredi, accompagnés de M. le préfet de la Loire inférieure, chez M. le président de la République et chez ceux les ministres qu'intéresse la création du bassin de Penhouët, et les ont Invités, à propos de l'inauguration de cette grande œuvre, à assister à Nantes au banquet que la ville et le commerce ont décidé de leur offrir.

Le Phare croit savoir que plusieurs ministres ont volontiers accepté cette invitation, et que ceux qui n'ont pu l'accepter en ont témoigné leur regret de la façon la plus gracieuse à ses honorables concitoyens.

Il a été surtout question, dans les conversations qui ont eu lieu à ce propos, des intérêts de la ville de Nantes.

 

M. le préfet, le maire et le président de la chambre de commerce, se sont attachés à mettre en relief ta connexité des intérêts de Nantes et de Saint-Nazaire.

 

Le Phare de la Loire ajoute que M. le président de la République a exprimé le vif désir qu'il avait d’accompagner ses ministres, mais en même temps la crainte que des obstacles Inattendus ne vinssent contrarier ses intentions. En tous cas, il a ajouté que s'il ne venait pas à Nantes au 11 mai. Il serait heureux de visiter cette ville à un autre moment, et d'achever la connaissance de l'Ouest de la France qu'il avait ébauchée, 11 y a longtemps déjà.

 

 

 

19 avril 1881
Le» pécheurs d'épaves.
 
 
 
 
 
 
 
 

Le sloop Espoir-en-Dieu a sombré en Loire, hier soir, à Saint-Nazaire. 35 barriques étant venues à la côte, des hommes, des femmes, des enfants les ont défoncées et se sont enivrés de façon â mettre leur vie en danger.

Treize de ces individus ont été arrêtés.

 

 

28 avril 1881
Ville de Saint-Nazaire. - Fêtes de l'inauguration officielle du grand bassin de Penhouët,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

le dimanche 8 mai 1881. - Inauguration du bassin par M. le président de la République et MM. les ministres. - Régates de jour, fête de nuit sur le nouveau bassin, grand feu d'artifice.

Lundi 9 mai 1881, grande cavalcade historique et allégorique.

Il y aura des trains spéciaux de retour dans la nuit.

 

 

 

6 mai 1881
Sadi Carnot, ministre des travaux publics.

M. le président de la République, qui devait se rendre dimanche prochain à Saint-Nazaire afin d'assister à l'inauguration du bassin Penhouët a renoncé à s'absenter de Paris, en raison des événements qui se produisent actuellement en Tunisie.

M. le président a fait exprimer hier, à la municipalité de cette ville, ses regrets de ne pouvoir assistera cette fête a cérémonie d'inauguration sera présidée par M. Sadi Carnot, ministre des travaux publics.

 

 

 

8 mai 1881

 

BAINS DE MER A VENDRE

par adjudication volontaire, le mardi 10. mai 1881, à une heure de l'après-midi, en l'étude et par le ministère dudit Me Marcussen, en totalité ou par lots, Etude de Me Hans Marcussen, notaire à St-Nazaire.

LA PROPRIETE DE LA MAISONNETTE agréablement située à Villez-Martin à 1 kilomètre demi de Saint-Nazaire et à 50 mètres de la mer ayant façade sur deux routes.

Cette propriété contient en grand 1 hectare 39 ares 72 centiares et peut être vendue par lots de 11 à 1,200 mètres. Elle consiste en maison et jardin entourés de murs sur une superficie de 300 mètres, aspergerie et une grande quantité d'arbres fruitiers en plein rapport. Sur ce terrain existent trois puits ayant de 1 eau excellente. On pourrait traiter avant l'adjudication. Pour tous renseignements, s'adresser à Mc Marcussen, notaire.

 

 

9 mai 1881
PAR DÉPÊCHE TÉLÉGRAPHIQUE

Saint-Nazaire, 8 mai.

L'inauguration du magnifique bassin de Penhouet a eu lieu ce matin au milieu d'un concours énorme de population.

Il faut bien mesurer l'importance de cette manifestation et surtout l'importance de l'œuvre d'art qui l'a déterminée. Napoléon 1er avait dès les premières années de l'Empire, fait étudier le projet d'un vaste port qui mettrait la France en relations directes avec l'Amérique, et qui commanderait la Loire, On s'occupa de Saint-Nazaire, qui était alors un petit village ignoré. Le projet reposa dans les cartons administratifs, puis, il fut repris sous Louis-Philippe. Les Nantais demandaient qu'on créât tout près de la mer un avant-port de Nantes. Les premiers bassins de Saint-Nazaire furent successivement creusés. Mais avec les années, la situation admirable de la petite bourgade fit que cette bourgade devint une ville. De gros navires, que les caprices de la Loire empêchaient de gagner Nantes s'arrêtaient à Saint-Nazaire. Le travail incroyable du transit américain donnait là des résultats aussi merveilleux qu'au Havre.

On n'avait point prévu à -Nantes ce développement rapide ni cette prospérité. La jalousie se glissa certainement dans l'affaire, mais, les intérêts en jeu étaient si puissants que sous l'Empire et sous le gouvernement de M. Thiers, la création d'un bassin monstre destinera recevoir les plus énormes navires du monde fut décidée. Le département vota 10 millions et en 1875 les travaux furent entrepris au village de Penhouet pour donner à Saint-Nazaire ce refuge unique dans l'histoire des travaux maritimes.

Après six années de travail dans la vase, travail souvent danger eux pour l'existence des ouvriers et des conducteurs des ponts et chaussées, le fameux bassin de Penhouet dont toute la Bretagne parlait et que toute la Touraine attendait, a été enfin ouvert aux navires dans la journée d'aujourd'hui.

Il est parallèle à la Loire, qui disparaît dans la mer, non loin de là. Son achèvement a coûté quinze millions au lieu de dix. On a déblayé douze cent mille mètres cubes de vase et cinq cent mille mètres cubes de rocher granitique. Il a été employé trois cent mille mètres cubes de pierre, cent quarante mille mètres cubes de sable; trente-cinq millions de kilogrammes de ciment de Portland pour la construction des maçonneries; sept locomotives et deux cents wagons ont été journellement employés en quinze cents journées de travail. Trois bateaux à vapeur et douze chalands ont été mis en œuvre pendant le même laps de temps. Les chantiers ont occupé chaque jour quinze cents ouvriers, c'est-à-dire un régiment entier. Environ mille ingénieurs de Russie, d'Allemagne, d'Amérique, d'Angleterre sont venus visiter les travaux et prendre des notes. Pour la première fois, les trains de terrassement ont marché à vitesse d'express soit à raison de soixante kilomètres par heure.

Le bassin de Penhouet mesure 23 hectares et demi ou 235 000 mètres carrés de superficie. Sa longueur est de 1 100 mètres; le développement de ses quais est de 3 kilomètres. Il peut contenir 150 navires de grandes dimensions. Sur un de ses côtes, on a construit trois formes de radoub qui peuvent contenir à la fois quatre navires de 150 mètres de long, ce qui est la dimension de l'avenir et même d'un avenir assez éloigné. Cet outillage est vraiment imposant et; le travail herculéen qui s'est fait là, donne à Saint-Nazaire une supériorité bien accusée sur les autres ports de France. Le Havre possède, il est vrai, cinquante-deux hectares de bassins. Mais ses bassins sont nombreux et forment pour les navires un vrai dédale.

C'est seulement en contemplant cette œuvre gigantesque à laquelle resteront attachés les noms de M. Kerviller, ingénieur, -et Bord, entrepreneur des travaux, que j'ai compris pourquoi les habitants de Saint-Nazaire avaient demandé la visite du Président de la République. Cette visite, ils ne l'ont pas obtenue. Tant pis pour le Président, car il eût appris de visu ce que c'est qu'un grand port qui s'ouvre au commerce du monde. Saint-Nazaire sera bientôt le Liverpool français.

M..Sadi-Carnot seul est venu à la fête. Il est arrivé de Nantes ce matin, juste à l'endroit où on ne l'attendait pas d'ailleurs, et il est monté à bord du garde-pêche de l'Etat, l’Eumènide, escorté des garde-côtes l'Elan et l’Oriflamme. Tous les bâtiments du port étaient pavoisés à mille pavillons. Le canon tonnait et la musique de la ville jouait la Marseillaise.

Les bâtiments de l'Etat ont fait le tour du bassin de Penhouet et derrière eux le grand transatlantique Ville-de-Saint-Nazaire a évolué magistralement sous les ordres du commandant Lebarzic, lieutenant de vaisseau.

A bord du grand paquebot se trouvaient tous les consuls étrangers, MM. Cloquemin et Ellisson, directeur et administrateur de la compagnie, les ingénieurs du chemin de fer de l'Ouest, MM. Marin et Chardon, la presse et diverses notabilités de la Loire-Inférieure. Avec le Ministre tout ou partie du conseil général, M. de Lareinty, sénateur, Fidèle Simon, député, et les maires des communes environnantes.

Après avoir débarqué à l'extrême Est du bassin et visité les établissements spéciaux qui y sont annexés, M. Carnot s'est rendu au banquet. Il était si pressé qu'on avait mis le festin à une heure de l'après-midi au lieu de six heures, qui est l'heure habituelle. Un train spécial attendait le Ministre à 3 heures 20. Il est parti de la salle du banquet à 2h39, montre en main, laissant un peu stupéfaite de cette précipitation une population désireuse de fêter encore l'ère nouvelle de la prospérité.

Mais qu'on se rassure, malgré cette rapidité, M. Sadi-Carnot a. eu le temps d'écouter cinq discours, lus par MM. Desanges, maire; Croize, président de la Chambre de commerce de Saint-Nazaire, de Lareinty, sénateur, très énergique dans un parallèle entre la ville nouvelle et Nantes Fidèle Simon et Herbette. Il a répondu par un discours rapide qui ne disait rien de bien nouveau, sans doute pour se conformer aux formules employées par les précédents orateurs. Il a nommé M. l'ingénieur Keryiller, ingénieur en chef avec résidence à Saint-Nazaire, ce qui est la juste récompense des travaux accomplis.

De peur de susciter dans le public de légitimes récriminations, on n'a décoré personne. Mais les habitants de Saint-Nazaire savent à qui revient l'honneur des travaux magnifiques de Penhouet, et la politique qui s'est fourvoyée dans cette manifestation nationale, n'étouffe pas la reconnaissance des honnêtes gens pour les deux ou trois hommes vraiment hors de pair qui ont mené à bien cette affaire monstre et que leur religion politique éloigne naturellement des faveurs officielles..

Bien que le ministre soit parti, la fête y populaire commence et se continuera demain. La vraie manifestation grandiose, patriotique, c'était ce matin, car ce matin une grande ville nouvelle est née à la France.

Pierre Giffard.

 

11 mai 1881
Le nouveau bassin de Saint-Nazaire
 
 
 
 
 
 
 

Le nouveau bassin de Penhouët.qui a été inauguré dimanche, à Saint-Nazaire, en présence du ministre des travaux publics, est le plus grand de France. Sa superficie est de 24 hectares. Il est entouré de quais en granit, et sur l'un de sus côtes il y a trois formes de radoubs, l'un de 140 mètres de long, l'autre de 120 mètres et la troisième de 150 mètres. Une cale en bois et d'immenses estacades complètent, au point de vue maritime, le plus bel outillage de France. Des masses considérables ont été mises en mouvement pour l'exécuter. Les déblais se comptent par milliers de mètres cubes et les maçonneries, par centaines de mille mètres cubes.

On a mis cinq ans pour faire cet immense travail, grâce au savant ingénieur, M. Kerviler, qui l'a conçu, et grâce à l'activité de l'entrepreneur, M. Bord, qui a poussé les travaux avec la plus grande énergie.

La cérémonie d'inauguration a été des plus brillantes. Elle a été suivie d'un banquet qui a réuni trois cents convives. Plusieurs toast ont été portés par MM. Desange, maire de Saint-Nazaire, Croizet, président de la chambre de commerce de Saint-Nazaire, Fidèle Simon, débuté, Herbette, préfet, et enfin par le ministre des travaux publics, qui a fait des vœux pour la prospérité de la marine marchande. "Je porte de grand cœur, a dit le ministre, un toast a la marine de guerre et à ces instruments de la paix, je bois à la prospérité du département de la Loire-inférieure!"

Cas paroles ont été couvertes d'applaudissements, et les cris de: « Vive la République !» y ont répondu de toutes parts.

Il y a ou hier des fêtes et des réjouissance publique, régates, cavalcades, qui dureront encore aujourd'hui et qui sont favorisées par un temps splendide.

 

11 mai 1881
l'inauguration du nouveau bassin

Saint-Nazaire, 9 mai. — Nous avons assisté hier dimanche à l'inauguration du nouveau bassin. Le paquebot Ville de Saint-Nazaire a fait son entrée, portant les autorités du département et de la ville..Trois navires sont entrés ensuite.

Le temps était splendide et l'affluence énorme. Au banquet qui a eu lieu à cette occasion, M. Desanges, maire, et M. Fidèle Simon, député, ont parlé en faveur des intérêts de Saint-Nazaire.

Le président de la Chambre de commerce et M. Lareinty, sénateur, ont parlé au nom des intérêts de la ville de Nantes. Le préfet a pris la parole au nom des intérêts du département. j M. le ministre de$ travaux publics a exprimé le regret d'être venu seul, et a assuré que M. le président de la République viendra, à la première occasion.

Il a remercié MM. les ingénieurs Leferme, Rêvai et Kerviler ; émis l'espoir que les bassins seront bientôt remplis de navires et promis que les améliorations demandées seront exécutées.

Le ministre a porté ensuite un toast-à la marine et au département de la Loire-Inférieure.

 

 

2 juin 1881
coup de feu sur le paquebot Washington
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Saikt-Nazaire 1 juin.

Hier soir, à cinq heures, Bissette, élève mécanicien sur le paquebot Washington, à la suite d'une discussion qu'il avait eue dans la journée, avec Montigny, mécanicien, a tiré sur celui-ci quatre coups de revolver.

Une balle a frappé Montigny dans le dos; une autre a effleuré sa main droite, des deux autres, l'une lui a traversé la jambe, l'autre le pantalon.

Le meurtrier s'est ensuite tué d'un cinquième coup dans l'oreille.

La balle que Montigny a reçue dans le dos n'a pas été extraite.

 

 

 

6 Juin 1881

 

MARIAGE

Saint-Nazaire, 5 juin.

Un mariage fort extraordinaire vient d'être célébré ici. Le marié est un sculpteur de Nantes; la mariée, fort jolie, habite la route de Guérande. Les époux sont sourds-muets. Le frère, directeur de l'école de Nantes assistait le maire. II posait les questions de rigueur aux conjoints et ceux-ci écrivaient leurs réponses, puis inclinaient la tête en signe d'assentiment. Les lecteurs devinent que la demoiselle et le garçon d'honneur étaient également sourds-muets.

Les quatre témoins, par exemple, jouissaient de l'ouïe et de la parole.

 

 

9 juin 1881

 

MARIAGE

Ces jours derniers, dit le Courrier de Saint-Nazaire, a été célébré à Saint-Nazaire un mariage peu ordinaire.

Le marié, sculpteur a Nantes, est sourd-muet. La mariée est sourde-muette. Les questions sacramentelles leur ont été posées par écrit et ont été traduites par le directeur de l'école des sourds-muets de Nantes. On avait choisi pour garçon d'honneur et pour demoiselle d'honneur deux sourds- muets,

 

30 juin 1881

 

ASSASSINAT

Saint-Nazaire, 28 juin, - Un assassinat a été commis hier à Saint-Nazaire.

A deux heures du matin, les agents de police avaient arrêté et mis au poste un individu nommé François Mahé, qui, dans un état d'ivresse prononcé, causait du scandale sur la voie publique. A cinq heures, un autre ivrogne, nommé François Guillou, maître au cabotage, venait l'y rejoindre.

A six heures, lorsque les gardiens-de la paix vinrent ouvrir la porte, du poste ils trouvèrent Guillou étendu à terre ayant toutes les dents brisées, la poitrine défoncée et les yeux crevés. Il a été transporté à l'hospice dans un état désespéré. L'assassin a été aussitôt transféré à la prison.

 

 

30 novembre 1881
LOIS VOLEUSES

Le projet de loi qui vient d'être déposé sur le bureau de l'Assemblée, par MM. Roche et Cie, a cela de bon qu'il donne le menu des lois voleuses que la Révolution sociale prépare.

Je ne parlerai de la loi prochaine organique de la magistrature que parce qu'elle sera connexe aux lois voleuses de confiscation, etc. Cet ensemble prépare la menace la plus grave à la sécurité personnelle. Il faut se hâter de dire aujourd'hui, à ce sujet, ce qu'on ne pourra pas dire demain.

Je ne parlerai pas des magistrats. Depuis longtemps ils se savent destinés à être mangés. Seul un sentiment de curiosité pouvait leur faire rechercher à quelle sauce on les mangera. Aujourd'hui ils sont fixés sur ce point. Ce qui Caractérise le système adopté par le grand ministère, c'est l'augmentation des attributions accordées à Unus Judex (magistrat jugeant seul) et au magistrat d'ordre inférieur. Le juge de paix va devenir une puissance. C'est le même système qu'on voudrait adopter vis à vis du clergé, relever le basso-clero avec cela, on ne fera que de la basse Justice et que de la basse religion !

Le clergé résistera. La magistrature ne pourra pas résister. Qui souffrira davantage de la loi prochaine sur la magistrature ? Le justiciable! Sa sécurité individuelle sera à la disposition des erreurs et des passions politiques de l’Unus Judex. Celui-ci ne sera plus le magistrat judiciaire absolument séparé du magistrat administratif, de par le grand principe primordial de la séparation des pouvoirs. Ce sera, en fait, un fonctionnaire du gouvernement. un commis s de l'Etat.

Ce n'était point-là cette théorie qu'avait développée à la tribune, M. Waldeck-Rousseau, aujourd'hui ministre de l'intérieur. Mais après avoir souvent dit, à ses amis ce qu'il ferait, arrivé au pouvoir, le jeune député breton est à la veille de faire ce qu'il n'avait pas dit. Ici, laissez-moi accrocher son médaillon.

 

Un de nos plus célèbres romanciers, A. Alphonse Daudet, croit que la politique est envahie aujourd'hui par les seuls hommes du Midi. Il n'a pas bien compté. L'Ouest est abondamment représenté à Paris.

 

M. Waldeck-Rousseau a été un enfant prodige de la Bretagne. On disait de lui, quand il était élève de l’Externat Nantais, dirigé uniquement par des ecclésiastiques: « Ce jeune homme est d'une piété et d'une intelligence très remarquables. Vous verrez qu'il sera prûtre.et un grand prédicateur! » » Haut, mince, blond foncé, et déjà de l'espèce des blonds sévères, le jeune Waldeck-Rousseau avouait franchement qu'il était ambitieux. L'ambition n'est pas plus un mal chez l'homme, que la coquetterie n'est un vice chez la femme. A vingt ans, avocat, il se sent gêné par la très belle réputation de son père, ancien représentant du peuple, bâtonnier du barreau de Nantes, et républicain de la nuance Dufaure et Jules Simon.

 Le jeune Waldeck préféra exercer au barreau infiniment petit de Saint-Nazaire. Là, il put se préparer au lendemain -presqu'en secret.On m'a raconté que parfois, très tard, dans la nuit, il allait sur le petit môle du port exercer sa voix presqu'étouffée par le bruit de la mer. Il n'avait pour public que le pilote de veille, qui le prenait pour un chanteur.

Une fois exercé suffisamment, M. Waldeck-Rousseau alla à Rennes. Fils d'orateur et orateur lui-même, il visait déjà la tribune et non plus la chaire Il n'avait aucune chance d'être nommé député à Nantes. Il avait choisi Rennes comme un bon collège électoral. Là il devint presqu'aussitôt le premier avocat et tout conspira en sa faveur. Il a évidemment la première qualité des généraux qui est aussi celle des ambitieux -il est heureux

Il était devenu républicain comme son père, dont il a l'œil si particulier gros orbite dont la courbe apparaît sous la peau légèrement plissée. M. Waldeck Rousseau prononça alors un mot qu'il faut retenir « Je suis l'homme de la Révolution tempérée. »

Ses camarades disaient en riant de lui « C'est un Breton de la Gironde. » II l'était en effet.

Mais, un jour, M. Gambetta, à demi endormi sur son siège de président de la Chambre, entendit tout à coup, u propos de la magistrature, une parole nette, posée, sobre et douée d'une remarquable propriété de termes.

Il l'écouta attentivement.

Huit jours après c'est du moins l'histoire qui courut dans notre pays de Bretagne M. Gambetta, saisissant affectueusement le bras de M. Waldeck-Rousseau; lui fït« si je prends le pouvoir, vous serez sous-secrétaire d'Etat à l'intérieur. » -II n’avait pas dit secrétaire d'Etat. M. Waldeck-Rousseau balbutia un remerciement qui le liait à la fortune de M. Gambetta. Ce Girondin avait pris pour chef, non pas Vergniaud, mais Danton !

Aussi bien je ne sais si M. Gambetta se croit encore Danton ? Tout est si troublé après ces charivaris politiques, que les révolutionnaires ne reconnaissent plus leurs têtes, comme après un banquet public, où le vin est servi à discrétion, les convives ivres ne reconnaissent plus leurs chapeaux !

 

M. Valdeck-Rousseau ce jeune ministre, qui, comme une femme honnête, n'a pas encore d'histoire- vient d'écrire une circulaire, excellente en de nombreux points. Il dit aux préfets qu'il « retournera les lettres de recommandation signées par des sénateurs et des députés ». Je ne crois pas à la lettre retournée. Cependant, l'idée, quoique déjà vieille, est bonne en ce temps plein d'appétits de grenouilles pour les rubans rouges, et de faim canine pour les appointements. Il est bien entendu que cette circulaire ne vise point nos amis conservateurs, sénateurs et députés. Les recommandations de ceux-ci signalent le protégé, plutôt à la colère qu'à la bienveillance de l'administration.

 

Une autre partie de la circulaire de M. Waldeck-Rousseau est menaçante pour tous les citoyens. Elle déclare nettement que le gouvernement ne veut plus de ces fonctionnaires qui se prétendent indépendants. M. Gambetta aime donc aujourd'hui les esclaves, lui qui, l'autre mois, en faisait fi à Belleville Le gouvernement veut des fonctionnaires qui aient en, même temps une soumission domestique, pour lui, gouvernement et une haine féroce contre les ennemis du gambettisme. Bref, des bêtes de somme, qui seraient en même temps des bêtes de proie !

 

Nous conseillons aux fonctionnaires, parmi lesquels il y a encore tant d'excellents esprits, d'avaler cette nouvelle couleuvre sans dire mot. Pour Dieu, qu'ils ne donnent pas leur démission !

Celte partie de la circulaire est une invite inconsciente aux dénonciations. Je parie que déjà on entend des pas dans les murs des bureaux de préfecture. Et qui sera dénoncé ? Non pas les adversaires manifestes du gouvernement, mais peut-être ses amis qui ne sont pas des courtisans. Par exemple, on ne me dénoncera pas, moi à quoi bon ? Mais le pauvre juge de paix de mon canton rural...

 

Et je supplie le lecteur de retenir de cela la résultante.

Cette fidélité forcée au gouvernement ne donnera pas plus de confiance que le cours forcé, au billet de banque. J'ai fait déjà cette comparaison qui me semble saisissante. Une sorte de terreur régnera dans les esprits. Nous allons revoir passer la Terreur de 1793, mais avec la guillotine sèche. Vous voyez d'ici, dans le canton rural, le fameux Unus Judex. Il aura peur de paraître favoriser les ennemis du gouvernement, du gauche et de droite. Alors tout citoyen sera fatalement à la merci de ses craintes ou de ses courtisaneries.

On aura beau ménager le haut de la magistrature, ainsi que le demandait excellemment M. Waldeck Rousseau en son discours la Justice française s'en ira peu à peu par le trou fait à sa base, comme le vin, par un trou, petit mais placé malheureusement tout au bas du tonneau!

Et l'agent de police fera du zèle comme Unus Judex. Cet assermenté dressera des faux procès-verbaux et Unus Judex condamnera. Petites condamnations, direz-yous? Mais, ce sont parfois les plus épouvantables. Elles peuvent déshonorer à jamais priver des droits politiques, etc.

 

Et, direz-vous, 1’opinion publique protestera Oui; parfois celte opinion publique criera contre l'injustice mais la condamnation n'en restera pas moins avec ses conséquences ineffaçables!

 

De même les lois voleuses feront encore plus de mat aux citoyens non qualités qu'aux congréganistes. Une congrégation ne meurt jamais. La persécution a profilé toujours aux idées religieuses. Pie IX, le sublime visionnaire, a dit tout bas, un jour, dans une audience particulière, ce mot profond « La Révolution, c'est encore Dieu! »

Les lois voleuses apportent dans nos codes le principe de la confiscation. N'y eût-il que le mot terrible CONFISCATION. il ne fallait point le laisser passer. Hélas il va passer... il est passé.

Parmi ces douze têtes qui sont dans le même bonnet de M. Gambetta, on a surtout remarqué celle de M. Paul Bert. Le ministère est composé de certains hommes de bonne volonté, comme le général Campenon qui vient d'avoir une excellente idée avec son conseil supérieur de la guerre– M. Paul Bert est par excellence, l’homme de mauvaise volonté, dont, a parlé Mahomet. Rien de plus étrange que « l'ennemi le plus déclaré de l’lnfàme » nommé ministre des cultes. Un chat qui doit protéger les souris !

 

Malgré les airs de chat enfariné que M. Bert a pris l'autre jour, les souris ne doivent pas avoir confiance. Déjà M. Paul Bert vient de faire écrouler une immense chose que des siècles avaient respectée il a fait comprendre par l'intermédiaire du préfet de l'Isère, et même, dit-on, du président du Conseil général, que les Grand-Chartreux « ne sauraient profiter désormais de l'exception faite en leur faveur ».

Les vices ont droit de vivre, en France, en payant patente et lys vertus n'ont plus ce droit Quelle paiera ils pavaient ̃pourtant, ces grands Chartreux plus de quatre cent mille, francs partagés entre le peuple Encore ici ce sera le peuple qui sera frappé plus que les volés. La Qrande-Chartreuse se sauvera comme l'aigle en s'envolant sur un autre sommet !

Elle ira en Suisse. Pourtant la prière qu'on disait là, était --si haut dans-les airs, qu'elle ne devait pas scandaliser les gens qui ne faisaient point une ascension à la Grande-Chartreuse! Confiscation Limitation de la fortune, imposée par l'Etat… tout cela marche vers toi, ô électeur. Je ne veux point dire que le grand ministère réalisera toutes mes sombres prophéties. Il aura seulement ouvert la voie. Je vous le dis en vérité, un autre ministère viendra, plus noir. Vous avez remarqué que, depuis longtemps, l'an passé est toujours le meilleur !

Bientôt nous verrons les balances de la Justice française, enchaînées comme le gobelet des fontaines Wallace.

Nous reverrons les Confiscations, les Dénonciation de l'ancienne basse Rome. Ces lois voleuses sont les prodromes certains de grands cataclysmes. Ces cataclysmes seront-ils bons ou mauvais ? Y aura-t-il effondrement général ou réaction salutaire ?

Ces lois voleuses me rappellent les vautours qui, de loin, annoncent la présence d'un cadavre. Mais quel est ce cadavre? celui de la société française ou celui de la révolution sociale?

 Ignotus.

 

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