
1912
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5/08/1912
5 août 1912
Une Histoire Salée
Vous n'êtes point sans savoir qu'il est formellement défendu dé puiser de l'eau dans la mer. C'est une interdiction qui date du temps de la Gabelle.
Or, la Gabelle n'est plus, le monopole du sel a cessé d'exister il y a plus d'un siècle mais la loi subsiste et l'administration .se garde bien de la laisser tomber en désuétude. Il n'est rien de tel qu'unie loi absurde pour être appliquée par l'administration. Donc, ces temps derniers, des entrepreneurs de Nantes ont construit, à l'embouchure de la Loire, pour le compte de l'Etat, et sous la direction, du génie militaire, urne digue destinée à préserver des atteintes de la mer la batterie du Pointeau qui commande la rade de Saint-Nazaire.
Au cours de ces travaux, l'eau douce faisant défaut dans ces parages, Les entrepreneurs furent obligés, pour gâcher leur mortier, d'employer l'eau de mer. Ils remployèrent, d'ailleurs si J'ose dire, à leur corps défendant, car l'eau salée ne vaut pas le diable pour un tel usage. Mais, enfin, ils l'employèrent, ne se doutant pas que, ce faisant, ils contrevenaient aux lois et allaient s’attirer les foudres de l'impitoyable administration des douanes.
Les travaux terminés, en effet, quel ne fut pas leur surprise de recevoir de M. le directeur des douanes de Nantes une invitation à payer de suite la somme de deux cent cinquante francs, somme calculée de façon précise en maison du cubage de la maçonnerie de la quantité de mortier employée et du nombre approximatif d'hectolitres d'eau de mer qui avaient pu y être mélangés.
Oui l'administration des douanes s'était livrée à ce petit calcul
Les intéressés protestèrent, comme bien vous pensez. Mais l'administration leur répondit qu'elle n'avait pas à se préoccuper de l'emploi qu'ils avaient pu faire de l'eau puisée par eux dans la mer, et que, puisqu'ils avaient employé l'eau de mer, cette eau contenant du sel les droits de douane étaient dus sur ce sel. Qu'en conséquence ils n'avaient qu'à-payer.
Les choses en sont là. Les entrepreneurs s'obstinent la douane leur envoie du papier timbre. Et les gens de Nantes, de Saint-Nazaire et des environs s'amusent follement de cette histoire salée.
Jean Lecoq
NB
La gabelle est une taxe sur le sel ayant existé en France au Moyen Âge et à l'époque moderne.
La gabelle est abolie par l'Assemblée nationale constituante le 1er décembre 17902, c'est Prieur de la Marne qui présente le rapport de suppression. Mais l’impôt sur le sel réapparut néanmoins en 1806, sous Napoléon Ier. Supprimé à nouveau sous la Seconde République, il ne fut supprimé définitivement que par la loi de finances de 1945.
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