
1891
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16 mars 1891
NOUVELLES JUDICIAIRES COUR D'ASSISES DE LA LOIRE-INFÉRIEURE : Un hobereau. - .
Nantes, 15 mars. Demain lundi s'engage devant le jury de Nantes un procès qui a soulevé une vive émotion en Bretagne, particulièrement dans la petite bourgeoisie et dans la noblesse pauvre des campagnes, car la victime et le meurtrier appartiennent respectivement à ces deux castes, encore très tranchées parmi les populations de l'Ouest.
M. Sarrebourse d'Audeville, l'accusé, était un petit gentilhomme des environs du Pouliguen, grand chasseur, grand pêcheur, grand buveur, peu curieux d'apprendre et fort incapable de conduire sa vie. Vers l'âge de vingt-huit ans, aux trois quarts ruiné par l'oisiveté héréditaire, ce hobereau convola avec une fille de rentiers nantais, les Heurtault, hypnotisés comme tant d'autres par la particule.
La demoiselle était vouée à sainte Catherine depuis tantôt cinq ans. Elle n'était pas jolie, dit-on, mais les Heurtault étaient à la tête d'une de ces soli- des fortunes de province accumulées par l'économie savante de plusieurs génération
Le mariage se fit, non sans apparat : Mlle Félicie Heurtault devint Mme d'Audeville, et M. Sarrebourse d'Audeville eut l'argent.
Il y eut quelques belles années de chasse à courre, de beuveries et de fortes parties de baccara après boire.
Quand la dot fut mangée, et ce ne fut pas long, M. d'Audeville essaya de se refaire à la Bourse. Il y apporta l'inexpérience d'un apprenti, et les liquidations de fin de mois achevèrent l'œuvre de la dame de pique.
Ruinée, maltraitée en guise de consolation , méprisée dans son père et sa mère - « des gens de rien » - d'aucuns disent battue au point qu'elle portait sur les bras les marques des dix doigts de son seigneur et maître, Mlle Heurtault ci-devant fut réduite à demander sa séparation de biens pour essayer de sauvegarder ce qui restait du patrimoine de ses deux enfants. Le procès fut mené rondement, sur l'initiative de son père, revenu un peu tard de son enthousiasme pour les armoiries, et le président du Tribunal de Saint-Nazaire fit défense à M. d'Audeville de « hanter ni fréquenter » sa femme pendant la durée de l'instance.
Réduit à qui à parce procès, chassé du domicile conjugal, sans argent et incapable de gagner un centime, recueilli par des amis qui lui donnaient l'abri éphémère et le pain du jour, M. Sarrebourse d'Audeville prit en haine violente sa femme d'abord, puis M. et Mme Heurtault, les deux vieux bourgeois dont il accusait l'égoïsme et la mesquinerie.
Il acheta un couteau catalan, un revolver, un fusil à deux coups, tout un arsenal, s'informa de l'heure des repas dans la maison Heurtault, de la place des convives à table, apprit que son beau-père tournait le dos à la porte et que sa femme lui faisait face...
Ces renseignements recueillis, le 4 décembre, à l'heure du déjeuner, i] faisait irruption dans la salle à manger et, d'un premier coup de feu, abattait roide morte sa femme, dont le visage fut pour ainsi dire réduit à l'état de bouillie sanglante.
Ce premier meurtre consommé, M. d'Audeville épaulait pour viser son beau-père terrifié, mais quelqu'un donna un coup de poing sur la crosse au moment où il faisait feu, le coup dévia et la balle alla briser le dossier d'une chaise.
M. Sarrebourse d'Audeville comparaît demain lundi devant la Cour d'assises de la Loire-Inférieure. C'est M Démangé qui le défend. Il nous a semblé que ce drame de famille, en dehors même de l'événement dramatique, du crime abominable dont est saisi le jury breton, pouvait donner lieu à quelque étude intéressante sur la société de province, et je vous télégraphierai demain les débats.
Albert Batailla.
18 juillet 1891
Saint-Nazaire possède en ce moment dans ses eaux un navire de guerre japonais, le Chishima. Le fait est assez rare pour être mentionné.
Le commandant Kabourraki, du navire japonais, a offert avant-hier soir, au Grand-Hôtel, un banquet aux notabilités dé Saint-Nazaire.
Il y avait entre autres : M. Planacassagne, sous-préfet ; M. Gasnier, maire; le président du Tribunal ; M. Kerviller, ingénieur en chef des ponts et chaussées ; M. Sakuraï, ingénieur japonais, etc.
Des toasts ont été portés au Président de la République et à Sa Majesté Impériale japonaise, puis aux deux ministres de la marine. ?
17 août 1891
SAINT-NAZAIRE, 16 août. - Aujourd'hui, à six heures, sur la place de Nantes, à l'issue du concert donné par 1e 64e de ligne, le drapeau russe a été porté par tes gymnastes sur l'estrade et acclamé par la foule.
Les hymnes français et russe ont été écoutés tête nue; l'enthousiasme a été indescriptible; on a crié ; Vive la Russie 1 Vive la République !
18 aout 1891
M. Yves Guyot,
né à Dinan le 6 septembre 1843 et mort à Paris le 22 février 1928,
homme politique, journaliste et économiste français
nos députés en Vacances
La République n'est pas un gouvernement fermé ni un régime de parti pris. Nos rangs sont ouverts à toutes les volontés, à toutes les énergies.
En vérité, c'est la lune de miel partout.
M. Yves Guyot, qui, n'ayant rien à inaugurer, présidait un concours de gymnastique à Saint-Nazaire, a sacrifié comme les autres sur l'autel de l'infusion des partis dans la tisane républicaine.
Maintenant, tout homme qui se déclare patriote, a-t-il dit, ne peut plus avoir qu'une politique républicaine...
Oui, la République doit être ouverte à tous, mais des gages doivent être demandés aux nouveaux ralliés...
Messieurs, je bois à tous les républicains de bonne foi.
3 novembre 1891
CRIME
2 novembre. - Un attentat mystérieux a été commis hier, près de Saint- Nazaire.
Inquiets de ne pas voir entrer leur fille Jeanne à l'heure habituelle, le sieur Nicolas et sa femme sortaient pour aller à sa recherche, quand ils virent arriver le troupeau qu'elle gardait. Leurs transes redoublèrent et, poursuivant leurs recherches, ils finirent par découvrir leur malheureuse fille, le crâne brisé, perdant son sang par une affreuse blessure.
Les pieds étaient dans une mare et la tête au milieu d'une touffe d'ajoncs. La situation du corps permettait de voir qu'elle avait subi les derniers outrages. On a interrogé de nombreux vagabonds trouvés dans les environs, mais on n'a pu mettre la main sur le criminel.
23 novembre 1891
tempete
21 novembre. - Le navire français Jeanne d'Arc, allant de Cardiff à Rio Janeiro, vient d'entrer au port de Saint- Nazaire après avoir essuyé deux terribles tempêtes.
Six fois de suite, nous a dit un matelot, le navire a failli sombrer. Ce n'est que par miracle qu'il ne s'est pas perdu corps et biens. L'aspect de ce bâtiment est absolument navrant ; ce ne sont que débris.
Les pompes ont été brisées ainsi que le treuil à vapeur, les voiles ont été emportées et les « manoeuvres » hachées.
Le poste d'équipage a eu ses portes enlevées.
A un moment donné, le navire faisant eau de toutes parts, il a fallu jeter à la mer jusqu'au charbon.
Le Jeanne d'Arc devra subir d'importantes réparations avant de pouvoir continuer sa route vers Rio-Janeiro.
24 décembre 1891
ASSASSINAT l'affaire de la Tour du commerce
Après de longs débats, la Cour d'assises de la Loire-Inférieure a rendu hier soir son arrêt dans l'affaire de la Tour du commerce.
Il s'agissait de l'assassinat de deux femmes, la veuve Péault et la femme Malenfant, égorgées par une bande de malfaiteurs qui espéraient trouver chez elles 40,000 francs et qui ont commis dans les environs de Saint-Nazaire plus de cinquante vols qualifiés.
Le chef de la bande, David, un jeune homme de 21 ans, a été condamné à la peine de mort; les autres, parmi lesquels deux femmes, à des peines variant entre deux ans de prison et les travaux forcés à perpétuité.
Albert Bataille.