
1888
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10 mai 1888
ASSASSINAT
Le sieur Guillard, se rendant aux champs, trouva, dans une pièce de terre qu'il traversait, les corps des époux David, le crâne fendu et la gorge ouverte, baignant, dans une mare de sang. Il courut prévenir l'autorité.
Le père David, âgé de quatre-vingts ans, avait touché dans la journée de dimanche d'assez fortes sommes et l'on savait qu'il était relativement riche. Le meurtrier l'a attendu près de chez lui et, après l'avoir tué, il courut à la maison chercher la femme David en lui disant probablement que son mari était tombé au bout du champ. L'ayant ramenée, il l'assassina. Puis, il courut à la maison et put enlever tout ce qu'il voulut sans être inquiété.
Le parquet de Saint-Nazaire a ouvert une enquête.
17 mai 1888
L'enquête faite par le garde-champêtre de Coueron, à la suite du double assassinat commis la semaine dernière dans cette localité, a révélé de nombreux faits à la charge d'un habitant du pays nommé Godet. On a vu cet homme, qui était dans une situation très embarrassée, faire, au lendemain du crime, des achats importants et se livrer, dans une foire, à des dépenses folles, jouant avec des bonneteurs des sommes assez fortes.
Le garde-champêtre, de concert avec les gendarmes, fit une perquisition et interrogea séparément la femme et le mari. Les réponses ne concordant pas, on amena Codet à se couper dans ses assertions tant et si bien que son arrestation fut opérée. Ses fanfaronnades tombèrent lorsqu'il se vit, les menottes aux mains, obligé de monter dans le train pour Saint-Nazaire où il a été écroué. Sa femme reste avec un enfant de trois mois dans la plus profonde misère. A la dernière heure, de nouvelles charges pèsent sur Codet.
24 mai 1888
Epilogue de l'attentat contre M. Gerville-Réache.
En janvier dernier, nous avons annoncé l'arrestation émouvante d'un nommé Arson, percepteur dans la Lozère, qui atteint subitement d'aliénation mentale, avait tenté de tuer M. Gerville-Réache, député de la Guadeloupe.
M. Bourgeois, alors préfet de police, avait fait interner cet aligné à l'asile de Ville-Evrard, où, sur la recommandation du député, il avait été l'objet de soins spéciaux.
Il y a une quinzaine de jours, l'état d'Arson s'étant sensiblement amélioré, il fut décidé qu'on le rapatrierait à la Martinique, son pays, où l'air natal le rétablirait peut-être complètement.
Conduit à Saint-Nazaire par des agents de la sûreté, l'aliéné s'est jeté à la mer et a pu regagner la côte sans avoir été repris par les inspecteurs chargés de sa garde.
Une dépèche fut alors transmise à Paris, et le domicile de M. Réache fut l'objet d'une surveillance spéciale.
En effet, le 20 mai, à deux heures, Arson se présentait à cette adresse, et M. Réache l'ayant informé qu'ayant déjà fait de grands sacrifices pour lui, il ne pouvait plus rien faire, l'ancien percepteur se retira en annonçant à M. Réache qu'à l'avenir il ne l'importunerait plus.
L'agent de la sûreté, en surveillance rue Claude-Bernard, fila Arson pour le faire arrêter sitôt qu'il rencontrerait un de ses collègues. Mais Arson sut faire perdre sa piste, et hier matin on le retirait de la Seine, où son corps paraissait avoir séjourné quelques heures seulement.
Ce malheureux avait préféré se donner la mort plutôt que de quitter M. Réache, son bienfaiteur, qu'il considérait comme son idole. En effet, il ne lui parlait jamais qu'un genou à terre.
14 juillet 1888
CONFLIT INTERET SAINT-NAZAIRE / NANTES
A L'ÉLYSÉE
Le président de la République a reçu hier matin MM. F. Gasnier, maire de Saint-Nazaire et conseiller général de la Loire-Inférieure; H. Duval, président de la chambre de commerce de Saint-Nazaire; G. Mairesse, banquier, et Fidèle Simon, conseiller général, délégués par la chambre de commerce.
Ces messieurs ont entretenu M. le président de la République du droit de tonnage que la chambre de commerce de Nantes voudrait imposer à tous les navires entrant en Loire, au profit des ports de Nantes et de Saint-Nazaire.
Ils ont fait valoir la grande différence d'intérêts et la rivalité qui existe entre ces deux ports et ont demandé que, conformément à ce qui a déjà été fait ailleurs, un droit de tonnage spécial à chaque port soit établi.
M. le président de la République s'est borné à répondre qu'il entretiendrait de cette question le ministre des travaux publics.
19 aout 1888
SAINT-NAZAIRE, 17 août. - Un genre de suicide encore inédit, c'est celui que vient d'employer la femme Lorureau. Cette femme, qui était âgée de soixante ans, résolut, jeudi dernier, de mettre fin à ses jours. Pour arriver à son but, elle prit un compas de menuisier qu'elle s'enfonça dans la tête en frappant dessus avec une grosse pierre. Un ouvrier des Magasins Généraux ayant aperçu cette malheureuse, s'approcha d'elle et parvint à retirer le compas de la plaie.
Après deux heures de souffrances atroces, la femme Lorureau a expiré.
7 septembre 1888
CEREMONIE FRANCO RUSSE
Saint-Nazaire, 5 septembre, 9 h. 50 soir.
La jolie ville de Saint-Nazaire a reçu officiellement aujourd'hui, avec une pompe et un élan de sympathie très grands, l'état-major du navire russe Amiral-Kornilow.
Ce beau navire est un éclaireur d'escadre, qui a été construit sur les chantiers de la Loire; il a été complètement terminé et armé à Saint-Nazaire, et il doit partir dimanche prochain. Il a donné, avec succès, les résultats les plus satisfaisants, filant dix-neuf nœuds sans tirage forcé. Rien enfin n'a été ménagé au point de vue du confort et du luxe intérieurs.
A huit heures et demie du soir, l'état-major de l'Amiral-Kornilow a été reçu à la mairie,—-dont la façade était splendidement décorée de drapeaux russes et français,— par M. Fernand Gasnier, le très sympathique et très intelligent maire de Saint-Nazaire, et par le conseil municipal, A l'entrée des officiers, la fanfare, la Lyre de la Loire, a joué l'hymne national russe, et aussitôt après, la musique municipale fait entendre la Marseillaise.
M. Fernand Gasnier a souhaité la bienvenue aux officiers du croiseur russe, et de là, le cortège, musique en tête, s'est rendu au Grand Hôtel, où un lunch somptueux a été servi dans la salle des Fêtes.
Le Grand-Hôtel était, du reste, illuminé et luxueusement orné d'écussons, de drapeaux et d'oriflammes aux couleurs russes et françaises. Les fenêtres de l'appartement du commandant Alexeief avaient été particulièrement décorées.
Pendant le lunch, qui a été organisé par la mairie et fait par souscription, deux musiques de la ville et l'orphéon ,, se sont fait successivement entendre.
Quatre cents personnes environ assistaient à cette l'été.
Le maire, M. Fernand Gasnier a prononcé un discours d'une éloquence élevée, que nous regrettons de ne pouvoir donner en entier, mais dont voici les principaux passages :
Messieurs,
La mère adoptive qui, le moment venu, se sépare de l'enfant qu'elle a élevé, ne le fait point avec indifférence. Par les caresses répétées qu'elle lui prodigue, par les baisers dont elle le couvre, elle espère lui inculquer pour jamais la souvenance de la tendresse dont il a été l'objet, et la pauvre âme ne manque pas de former des vœux ardents pour que ce cher petit qui parfois a sucé son lait, trouve auprès des siens l'affection et les soins dont seule elle se croyait capable de l'entourer. Ainsi, la ville de Saint-Nazaire, à l'industrie de laquelle le gouvernement impérial russe a bien voulu confier le soin de construire le croiseur Amiral Kornilow, n'a pas voulu que ce superbe navire s'éloignât pour toujours peut-être de son port d'armement, sans exprimer à la Russie, qui lui a donné là un si haut témoignage de confiance, sa sympathie et sa gratitude. Particulièrement elle a tenu à rendre hommage à l'aménité, à la courtoisie parfaite des officiers et ingénieurs chargés de suivre les travaux de construction ; elle a voulu que ces messieurs sachent bien que la population nazairienne leur conservera longtemps ses sentiments de véritable estime et de cordiale affection. Tel est le but de la réception de ce soir.
C'est, à n'en pas douter, une merveille que cette intéressante machine de guerre, merveille redoutable pourtant, devant remplir de confiance les hommes qu'elle porte et protège, et glacer d'effroi ceux qu'elle poursuit dé ses coups meurtriers.
Les armements formidables auxquels se livrent la plupart des nations d'Europe constituent, dit-on, un gage positif de paix universelle. Je n'y contredis pas. Je souhaite vivement, au contraire, que les événements justifient l'augure; je le désire pour l'humanité d'abord, et par suite pour nos ouvriers qui demandent au travail leur existence de tous les jours.
Monsieur le commandant, et vous Messieurs les officiers, c'est un nom prédestiné que porte votre navire, un nom glorieux, capable à lui seul de réveiller tout le patriotisme d'un pays. Vous en êtes fiers, et cela à juste titre. Qu'il vous porte bonheur 1 Ce n'est pas sans émotion, croyez-le, qu'un Français évoque en votre présence le souvenir de Kornilow, de ce marin héroïque que la mort impitoyable frappa sur les formidables remparts qu'il avait édifiés.
Si je parle ici de cet amiral illustre, dont ses ennemis même honorèrent la mémoire, c'est uniquement pour rappeler le jugement que l'histoire a porté sur la terrible guerre à laquelle je viens de faire allusion.
Ce jugement bref et éloquent, a depuis longtemps déjà réuni votre patrie et la nôtre : Il était naturel que là où il n'y avait eu ni vainqueurs ni vaincus, il ne pouvait y; avoir que des hommes également braves, destinés désormais à se tendre une main fraternelle.
Les nations, comme les hommes, ont leurs succès et leurs revers. Mais, pour une blessure plus ou moins profonde, le courage d'un peuple ne saurait s'anéantir. Votre pays, Messieurs, a bien montré qu'il est plein de patriotisme et de vie. Heureux les peuples qui savent sans défaillance supporter l'épreuve de la défaite ! Souvent, ils se relèvent plus virils et plus grands de l'abime où l'on pouvait les croire ensevelis.
Cependant voici l'heure de la séparation arrivée; il va bientôt falloir se dire adieu.
Votre départ, messieurs, nous causera des regrets bien sensibles, et nos sentiments d'affectueuse considération vous accompagneront en Russie.
Puissiez-vous vous-mêmes emporter de nous une impression favorable, et apprendre à vos compatriotes combien est vif et sincère l'attachement qu'ils inspirent aux Français.
Monsieur le commandant, Messieurs,
Je bois à la grande Russie, à son puissant empereur, à votre prospérité à tous.
Permettez-moi, en même temps, de lever mon verre au premier magistrat de France, au respecté M. Sadi Carnot et au digne représentant de notre gouvernement dans la Loire-Inférieure, M. Glaize, préfet.
Mon dernier toast sera pour la marine française, que j'ai l'honneur de saluer en la personne de M. le chef du service de la marine, pour l'armée et pour les ingénieurs habiles qui ont construit Y Amiral-Kornilow.
Je serai, j'en suis sûr, votre interprète à tous en les complimentant encore une fois sur la manière remarquable dont ils ont exécuté ce magnifique éclaireur d'escadre.
Ce discours a été accueilli par des acclamations enthousiastes.
Le commandant Alexeieff, commandant l'Amiral-Kornilow, a répondu en portant un toast au président de la République, à la marine française, au maire et à la ville de Saint-Nazaire.
Inutile de dire qu'une ovation a été faite au commandant.
Deux pièces de vers, fort bien tournées, ont été déclamées ensuite avec un grand talent par Mlle Emma Maury, une artiste parisienne en villégiature à Saint-Nazaire.
Une retraite aux flambeaux a eu lieu ensuite, reconduisant l'état-major russe à bord du croiseur. Dix mille personnes suivaient la retraite.
Toute la ville était pavoisée et illuminée.
FERNAND XAU
24 septembre 1888
Le général Boulanger se trouve actuellement sur les bords de la mer, à quelques kilomètres de Saint-Nazaire, dans un chalet qu'il a loué et où il se repose de ses fatigues politiques en compagnie de Mme Boulanger et de ses deux filles.
Hier, dit notre confrère, nous avons été pour l'interviewer, on nous répondit que le général ne pouvait recevoir, étant indisposé depuis le matin ; il nous a cependant fait prier de ne pas découvrir au public le lieu de sa retraite. Enfin, un correspondant de Besançon nous écrit :
Le général vient de passer deux jours à Besançon, reçu par un ami qui lui est resté très dévoué depuis son séjour en notre ville, alors qu'il était « le beau colonel Georges. »
Il a visité les nouveaux forts en touriste et est parti ensuite dans la direction de Vesoul. Interrogé sur sa candidature aux prochaines élections dans le département du Doubs, le général a répondu qu'il ne pouvait en ce moment se prononcer encore. On lui a appris alors qu'il avait eu 800 voix aux élections municipales.
Et, maintenant, continuons de... chercher Boulanger en Europe !
. *** Antiboulangisme.
Le Radical extrait du compte rendu officiel de l'assemblée générale de la Fédération française des voyageurs de commerce les lignes qui suivent : M. le président propose la radiation de M. Vergoin, député et avocat judiciaire de la Fédération syndicale ; il donne les motifs de cette détermination. Après explications, on vote sur cette proposition, qui est acceptée à l'unanimité.
17 octobre 1888
Éboulement à Saint-Nazaire
6 victimes. Un éboulement a eu lieu lundi, dans les égouts de Saint-Nazaire, en face de la nouvelle caserne en construction. Six hommes ont été ensevelis. Deux ont été tués; trois sont grièvement blessés.