
1885
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5 février 1885
M. Isaac, le nouveau sénateur nègre de la Martinique, vient d'arriver à Paris.
Il était, ces jours-ci, à Saint-Nazaire et à Nantes, où il a visité une institution spécialement destinée aux enfants des colonies.
7 février 1885
EXPLOSION
Lundi soir, vers dix heures, à Saint-Nazaire, effroyable détonation, émoi des habitants de la rue de Nantes. Presque aussitôt seconde explosion. C'était le magasin de M. Boyard, n° 32, qui venait de s'écarteler sous la force d'une explosion de gaz. Devanture et carreaux brisés et éparpillés, parquets soulevés, plafonds terriblement lézardés, 1 individu de passage dans la rue a été blessé à la figure et aux mains. Perte 1,000 fr.
21 avril 1885
le lancement de La Champagne
La Champagne, qui devait être lancée jeudi à Saint-Nazaire, est le plus grand navire de la marine Marchande qui ait été construit jusqu'ici dans les chantiers français. Il mesure 150 mètres de longueur. C'était donc une opération qui ne laissait pas d'inspirer quelques appréhensions.
On se rappelait, en effet, la mésaventure du Milan qui retenu un instant au moment de rentrée dans le fleuve, et n'avait été enlevé à son ber que par l'effort des remorqueurs. C'est malheureusement ce qui s'est produit. Boit que la vitesse d'impulsion fût insuffisante, Mit que l'avant du navire se fût enfoncé dans la vase, un tiers environ de la Champagne est resté ou rivage.
Les efforts de quatre remorqueurs ont été insuffisants pour le dégager. On a vu même un de ces navires briser dans son élan un des câbles, presque de la grosseur d'un homme, avec lequel il s'efforçait d'entrainer le colosse. L'énorme câble s'est élancé dans l'air, en sifflant, l’a fait jaillir en retombant, la mer fouettée par cette masse.
Hier matin, la Champagne était encore immobile Il est à craindre qu'il ne faille attendre une quinzaine de jours pour pouvoir, avec plus de certitude du succès reprendre l'opération.
13 mai 1885
La Compagnie des Chemins de fer de l'Ouest va inaugurer, le 18 de ce mois, les lignes de Saint-Mars-la-Jaille à Nantes et de Châteaubriant à Saint-Nazaire et ouvrir ainsi deux nouveaux débouchés au trafic des régions de l'Ouest sur Paris et vice-versa.
Néanmoins, les relations directes de Saint-Nazaire et de Nantes avec Paris n'emprunteront pas les nouvelles lignes ; elles continueront à être assurées par la voie d'Angers, mais dans des conditions exceptionnelles de rapidité et de sécurité auxquelles ne se seraient pas prêtées les nouvelles lignes, avec leur profil accidenté et leur voie unique.
Une entente récemment intervenue entre les deux Compagnies d'Orléans et de l'Ouest permet, tout en maintenant les relations de Nantes et de Saint-Nazaire avec Paris par le centre important d'Angers, de donner au public, à dater d'aujourd'hui, des facilités considérables qu'il ne manquera certainement pas d'apprécier
C'est ainsi que le train express n° 3, partant de Paris-Montparnasse à 7 h. 30'du matin, arrivera à Nantes deux heures plus tôt, et desservira, en outre, Saint-Nazaire, où il arrivera à 6 h. 6.
Le train express n° 5, .partant de Paris-Saint-Lazare à 10 h. 25 du matin, arrivera à Saint-Nazaire 1 h. 22 plus tôt.
Le train direct 21 partira de Paris-Saint-Lazare une heure plus tard, et arrivera comme actuellement à Nantes et à Saint-Nazaire.
Dans l'autre sens, le train n° 8 partira de Saint-Nazaire -une demi-heure plus tard et arrivera à Saint-Lazare à la même heure qu'aujourd'hui, 4 h. 21 du soir.
Le train 18 sera express sur tout son parcours. Partant de Saint-Nazaire, à 1 h. 5-m. du soir, au lieu de 9 h. 20 du matin, et de Nantes, à 3 h. 10 m. au lieu de midi 15 m, il arrivera à Paris-Montparnasse, à 11 h. 35 du soir, heure actuelle.
Le train direct n° 26, arrivant à Saint-Lazare, à 4 h. 40 m. du matin sera maintenu.
Voilà, pour la région de l'Ouest de notables avantages, et il n'est que juste d'en reporter le mérite aux deux Compagnies qui se sont entendues pour les réaliser.
14 aout 1885
LE LANCEMENT DE LA BRETAGNE
Avant-hier, la ville de Saint-Nazaire était en fête, à l'occasion du lancement du magnifique paquebot La Bretagne, destiné à faire le service postal du Havre à New-York. Tous les navires qui se trouvaient en rade et dans les bassins étaient brillamment pavoisés, ainsi que les principaux édifices. Le chemin de fer et le Rapide avaient amené un nombre considérable de voyageurs, et la ville présentait l'animation des grands jours.
Dès 2 heures, les curieux se rendaient en foule aux chantiers de Penhouet pour admirer une dernière fois les proportions colossales de La Bretagne, dont la mise à l'eau devait avoir lieu à 4 heures.
A 4 heures précises, La Bretagne commence à glisser sur son ber, aux applaudissements de la foule immense accourue pour jouir de ce spectacle imposant. Mais au bout d'une cinquantaine de mètres, l'énorme masse de fer s'arrête subitement. Aussitôt la joie fait place à la tristesse et la consternation est peinte sur tous les visages. C'est que la situation est grave et peut nuire beaucoup à l'avenir de Saint-Nazaire.
A quelle cause faut-il attribuer ces échecs réitérés ?
L'avis le plus partagé par les hommes compétents est que le ber, sur lequel glisse le navire, s'est rompu sous le poids de la masse énorme qu'il avait à supporter, et ce qui nous fait croire que cette version est la bonne, c'est que les remorqueurs sous pression qui se, tenaient en rade en cas de besoin, se sont rendus aussitôt auprès du navire pour le détacher à l'eau or, après un court conciliabule, ils sont rentrés dans le bassin, preuve que leur aide était bien inutile.
Puisse cet échec regrettable ne pas enlever au principal port de mer" de Lorient la construction de nouveaux-navires, et, partant, entraîner la ruine des nombreux ouvriers occupés dans les chantiers.
2 septembre 1885
LE LION DE SAINT-NAZAIRE
Saint-Nazaire, 31 août. — Une chasse au lion a eu lieu hier près de Saint-Nazaire (Loire-Inférieure). Le lion Sultan, qui s'était échappé des voitures de la ménagerie d'Anvers, sur la route de Paimbœuf, a été retrouvé aux environs de la plage de Saint-Brevin, en face de Saint-Nazaire.
Quatre baigneurs, conduits par M. Maurice Vidal, ont tiré sur le lion Sultan huit coups de fusil.
Trois balles ont occasionné des blessures mortelles et l'animal n'a pas tardé à expirer.
Sultan va être empaillé et conservé à l'hôtel du Chalet.
8 septembre 1885
Nos torpilleurs
Le ministre de la marine vient de décider que les neuf torpilleurs que l'on construit actuellement à Rouen et à Saint-Nazaire porteraient des noms d'officiers tues au Tonkin.
12 septembre 1885
Quinze grands bateaux ont été nolisés pour amener à Saint-Nazaire une quantité de 40,000 tonneaux de blé. Trois navires sont déjà arrivés et les autres devraient arriver sans tardé.
12 septembre 1885
LE LION DE SAINT-NAZAIRE
Ah cette histoire du lion de Saint-Nazaire, qu'elle est donc drôle !
Il y a eu un temps, à Paris, où on ne l'aurait pas laissé passer sans en tirer trois actes pour le Palais-Royal. Mais l'esprit se fait rare depuis l'avènement du naturalisme les boulevards tournent ou retournent aux remparts de ville de province personne n'ose plus rire. Décidément, nous avons la République morose! !
Oui, certainement, il y a vingt ans, un directeur du Palais-Royal ou des Variétés, ayant lu dans les feuilles l'aventure du-lion de Saint-Nazaire, aurait écrit soit à Lambert-Thihoust, soit à quelque autre « idéaliste » gai et de belle humeur:
« Mon cher ami, trois actes tout de suite sur le lion de Saint-Nazaire. C'est L’héritier qui doit tuer le lion, bien entendu. Voyez Barrière ou Labiche, et hâtez-vous. Il y a trois mille francs de prime, si vous arrivez pour octobre. » Mais ces beaux jours sont finis. Vaudevillistes, directeurs et comédiens, tous sont sérieux comme potences. Il leur faut du document humain, ou de la, tragédie; car nous y retournons, à la tragédie. C'est la réaction. Vous allez voir cela d'ici à quelques années ! Si un directeur commandait aujourd'hui le Lion de Saint-Nazaire à un auteur de cette génération mélancolique, cet auteur croirait qu'on lui demande de refaire Polyeucte pour Bidell
Peut-être l'histoire du lion de Saint-Nazaire vous a-t-elle échappé; la voici, d'après les journaux que j'ai lus. Il s'appelait Sultan, Il faisait partie d'une ménagerie ambulante. Son sort était de voyager dans une cage et d'être cravaché, le soir, à tour de bras, devant une assemblée de « roseaux pensants », ainsi que Pascal nous appelle. Les roseaux pensants adorent voir cravacher les animaux dont ils ont une peur épouvantable. Ils paient même pour ce spectacle.
Or, Sultan s'embêtait d'être fustigé en chambre. Il avait entendu parler d'exercices moins durs, exécutés par les taureaux dans des cirques, jadis fréquentés par ses propres aïeux, et il enviait leur sort. Peut-être aussi les lions ont-ils conservé entre eux le souvenir de cet Androclès qui les prenait par la douceur. Toujours est-il que, trouvant, un matin, sa cage entr'ouverte, Sultan sortit dans Saint-Nazaire.
C'était par un beau jour d'été, propice à la ballade. Les rues s'emplissaient gaiement de « Saintes -Nazaréennes » portant de petits bols de café au lait entre les mains. Sultan en trouvait le parfum excessivement agréable, et, plein du souvenir d'Androclès, il «'invita à le flairer de près. Mais les ménagères lui firent un tel accueil qu'il en prit une venette folle. Elles jonchaient le sol, les ménagères. « Peut-être, songeait Sultan, c'est ma perruque Louis XIV qui les étonne !» » Et il voulut entrer chez un barbier pour se faire tondre.
Le barbier ne voulut pas lui tailler les cheveux. Et même jamais barbier ne voulut moins que celui-là tailler une chevelure évidemment trop abondante. Sultan s'en fut, très mortifié. Mais comme il éprouvait le besoin de se dégourdir les jambes, il 's'amusa à bondir deux ou trois fois par-dessus la cathédrale en poussant de petits cris aimables et joyeux. Les cloches tintèrent. « C'est l'heure du déjeuner » se dit le charmant animal.
Le maire, à ce moment, venait de sortir sur sa terrasse et il essayait son écharpe, qui était neuve, pour aller faire un mariage. Sultan le vit et fut frappé de sa ressemblance avec l'Androclès que les traditions léonines dépeignent. Il crut de bon ton de venir lui rendre ses devoirs, et adoptant une démarche grave, concordante à la circonstance, il vint s'asseoir sous le balcon du magistrat. Mais celui-ci agita si violemment son écharpe que Sultan comprit qu'on le chassait de Saint-Nazaire.
Et il s'en alla dans la campagne. Sultan ne connaissait pas la campagne, il l'avait vue, mais mal vue, à travers les vitres des wagons, quand elle nie, file, confuse. Bientôt, il arriva devant une ferme et il y entra pour boire du lait. Il n'y avait à cette heure-là, dans la ferme, qu'une maritorne naïve et sans instruction, qui le prit pour un veau chevelu. Il se garda bien.de la désillusionner mais apercevant un troupeau de moutons, il lui fit entendre qu'il en achèterait volontiers un à crédit. Il avait un sourire si honnête, qu'elle prit sur elle, en l'absence de ses maîtres, de conclure le marché. Sultan, cet acompte prélevé, tint à honneur de justifier la réputation de galanterie dont jouissent ceux de sa race auprès du beau sexe, et il déposa la queue du mouton sur les genoux de la jeune fille. Puis il se remit en route innocemment.
Et comme il suivait le bord de la mer, cherchant vainement un cure-dents à sa taille, l'idée lui vint de prendre un bain. Histoire de noyer ses puces. Mais le lion est pudique. Il ne se déshabille pas ainsi en plein air, comme font les Anglaises. Il lui fallait un bois,' un peu épais, et c'est ainsi qu'avisant Saint-Brévin, plage éminemment forestière, il s'y arrêta et s'y complut.
Mais-à peine était-il installé dans une clairière, d'où l'on découvre, à l'horizon, les petits bateaux qui vont sur l'eau, qu'il vit venir à lui des hommes armés. Que lui voulaient-ils? Rien de clair. Ils étaient nombreux, voilà tout. Parmi eux, Sultan ne reconnut ni Bombonnel, ni Joséphine. C'étaient des roseaux pensants ordinaires. Il ignorait que les tubes qui les prolongeaient étaient chargés de tonnerre et de foudre. D'ailleurs, il l'aurait su que cela eût été pour lui la même chose il ne craignait que la cravache. Enfin, il ne leur avait fait aucun mal. S'il n’avait pas encore payé le mouton acheté à crédit dans les environs, il avait laissé un gage de sa dette sur les genoux de la jeune fille. Sa conscience était tranquille, si tranquille qu'il se coucha en rond pour dormir, sur le giron de. la prairie, en attendant la marée haute.
Evidemment, s'il avait su son métier de lion, Sultan n'aurait dormi que d'un œil. En Afrique, le lion qui dort n'a qu'un œil, comme les héros de Léon CladeL Mais il était né à Fontenay-aux Roses, il ne connaissait pas l'Afrique, il n'avait pas lu Léon Cladel, il ne savait pas son métier. Il s'endormit des deux yeux et aussi sur les deux oreilles.
Quand il se réveilla, il était mort !…
Pauvre lion de Saint-Nazaire Quand on pense que ses ancêtres avaient épargné Androclès, sans parler de sainte Blandine et de la femme de Florence. On l'a fait empailler, et on le montre, dans le casino de Saint-Brévin, aux baigneurs pour leur prouver que la plage est boisée. Moi, je veux bien.
Mais tout ceci n'est que l'histoire véridique du lion de Saint-Nazaire. C'est le thème de la pièce, ce n'est pas la pièce. Qui la fera? Personne. Les temps sont tristes.
Ces gais vaudevilles d'autrefois, improvisés par des gens d'esprit et d'aimables Parisiens de la décadence, qui n'avaient d'autre prétention que celle d'amuser et de donner à rire, le secret s'en perd de plus en plus. On ne travaille plus que cour l'Académie, la députation, la Légion d'honneur et Kiste-maeckers de Bruxelles. Balzaciens et Parnassiens, aux longs becs emmanchés d'un long cou, se tiennent sur une patte, immobiles et graves, et dédaignent les petites pièces frétillantes et légères. Il leur faut des morceaux de dix livres, et plein la main.
Où rit-on, à Paris ? Nulle part. Je veux dire Où rit-on naturellement, et sans se chatouiller pour rire ? Car la gravelure et le coq-à-l'âne foisonnent et on leur édifie des temples tous les jours. L'épilepsie à des maîtres, dévots à saint Guy, patron de la danse que vous savez. Mais le rire naturel et franc, le rire de notre race, fleur de bon sens et de politesse, qu'est-ce qu'il est devenu? Est-ce que le siècle va finir sur une grimace de pitre ? Dans quelle scurrilité nous abîmons-nous ?
Mais je reviens à mon lion.
J'imagine que ce serait une chose divertissante et philosophiquement comique que de voir Dailly en tueur de lions et qu'on y prendrait quelque plaisir. Si je cite Dailly, c'est en songeant à ce qu'un Gondinet ou un Meilhac pourraient faire pour le Palais-Royal de ce sujet, et quelle jolie étude ils en tireraient de la vie de bains de mer. La présence d'un lion signalée aux habitués du casino de Saint-Brévin, au milieu d'une partie de dominos, par exemple, ne laisserait pas que de fournir une exposition originale, et je sens un dénouement assez nouveau dans la rentrée de Dailly, vainqueur du lion et en jetant la dépouille aux pieds de la jeune Américaine.
Cessons de rêver. Nous vivons en un temps où il n'y en a plus que pour Sarah Bernhardt. Heureux si, au récit de l'histoire du lion de Saint-Nazaire, M. Alexandre Parodi n'a pas déjà saisi ses pipeaux pour tragédifier et nous restituer la Rome dioclétienne. Je vois cela d'ici « La scène représente saint-Brévin au temps de Néron. »
Ou bien alors ce sera M. Huysmans qui, dans un fort chapitre, comptera les poux du lion et nous décrira comment le dompteur, au printemps, est obligé d'émasculer ses bêtes. Ce sera très bien fait, car l'écrivain a beaucoup de talent, mais j'aimerais mieux Lambert-Thiboust, tout de même !
Ohé Lambert ! As-tu vu Lambert?. Hélas !
Caliban.
13 septembre 1885
CRIME DANS L'OUEST
Saint-Nazaire, 11 septembre. — On nous écrit de Saint-Nazaire qu'hier mercredi, vers onze heures du matin, l'équipage du côtier de l'Etat l'Elan a aperçu en mer, près de l'îlot les Evins, au large de Pouliguen, le corps d'une femme âgée de vingt-cinq à trente ans, qu'il a recueilli et déposé au village de Saint-Marc, près de Saint-Nazaire.
Ce cadavre avait peu séjourné dans l'eau.
Il était complètement nu et portait à la nuque une blessure paraissant avoir été faite à l'aide d'un couteau. Nulle parure aux mains et aux oreilles, bien que ces dernières fussent encore parfaitement percées.
Les autorités judiciaires ont décidé que l'autopsie serait faite avant l'inhumation. Une information est commencée.
24 septembre 1885
M. Poictevin de La Rochette, fils de l'ancien sénateur, a succédé à son frère comme député de Saint-Nazaire ancien officier dans les dragons pontificaux, commandant des mobiles en 1870, maire d'Asserac, propriétaire de l'Espérance du peuple, propriétaire du château de Quesnay, à Asserac.
9 octobre 1885
La Bourgogne, appartenant à la Compagnie Générale Transatlantique, a été lancée aujourd'hui avec plein succès. Ce paquebot a les mêmes dimensions que la Champagne et la Bretagne actuellement en armement Saint-Nazaire.